Daphnée , d'amour ou d'amitié

Publié le 10 Février 2019

Il  était une fois une jeune femme qui avait deux prétendants, le premier s'appelait Guy, le second se prénommait Olivier, ils étaient tous les deux très épris de la jeune dame. Daphnée notre princesse était une femme simple, généreuse et humble, sa beauté attirait les regards, mais elle restait en général indifférente face aux hommes. Elle avait partagé de nombreuses années avec feu son époux qui l'avait laissée seule, triste et perdue.

Daphnée adorait les voyages, depuis qu'elle s'était petit à petit remise de son deuil, elle trouvait son bonheur dans la découverte de pays étrangers; tous les six mois, elle organisait une escapade. C'est en revenant d'une de ces virées, qu'elle tomba par hasard sur Guy à la gare St Jean de Bordeaux. Sans faire exprès, ils se bousculèrent, le commentaire que fit Guy à son égard la fit sourire, s'arrêtant du coup pour répondre à ce monsieur entreprenant, elle se retrouva assise au café avec lui, mue certainement par l'euphorie procurée par son voyage. Ils échangèrent leurs numéros de téléphone, une belle amitié se mit en place tranquillement, l'un et l'autre attendaient désormais avec impatience les conversations qu'ils partageaient le soir après le travail. Le week-end, Daphnée et Guy se retrouvaient pour un cinéma, un restaurant ou juste une balade sur les quais de la Garonne. Guy était très marrant, il racontait toujours des anecdotes rocambolesques qui provoquaient des fous-rires à Daphnée. Ils se ressemblaient beaucoup, ils aimaient le jazz, le blues, avaient les mêmes sensibilités au niveau artistique et culturel, il était féru d'histoire et elle de littérature et leurs discussions s'éternisaient, chacun déployant ses passions qui étaient nombreuses pour l'un comme pour l'autre. Ils ne s'ennuyaient pas ensemble. Après six mois d'une relation qui restait assez légère, Guy clama sa flamme ouvertement à Daphnée qui elle ne se sentait pas prête pour  une idylle amoureuse mais accepta tout de même de découvrir l'intimité de Guy c'est à dire voir sa maison et rencontrer sa fille.

Quelques temps après, quelque chose de bizarre survint, à l'occasion de son anniversaire, Daphnée, Guy et Amélie la fille de ce dernier, devaient aller dîner ensemble dans un restaurant que Daphnée avait réservé pour la circonstance. Elle savait qu'un groupe de jazz s'y produisait tous les samedis soirs, elle était heureuse de pouvoir partager cet évènement. Guy qui arriva déjà en retard ne s'excusa pas, il avait l'air différent, Daphnée étonnée garda son calme, il fit asseoir Amélie qui elle également paraissait gênée. Ils commandèrent et dînèrent en parlant de choses et d'autres. A un moment, les musiciens se mirent en place, heureuse à l'idée de savourer ce moment et de le vivre avec Guy et Amélie, Daphnée ignora le questionnement qui l'avait précédemment intriguée. Le patron du restaurant reconnaissant Guy, vint les saluer, les deux hommes discutèrent ensemble et le patron se tourna vers Daphné et par pure politesse la fit participer à la discussion. Là, mû par on ne sait quoi, Guy éclata de colère, demandant au restaurateur pourquoi il se permettait de discuter avec son amie, la honte! Tous les regards étaient tournés vers leur table, Daphnée et Amélie ne savaient plus où se mettre. Désorientée et triste de la tournure des évènements, Daphnée se leva et tenta de partir, Guy la retint en vociférant sur elle, elle se dégagea quand même et se dirigea vers l'endroit où elle avait laissé sa voiture. La petite Amélie courait derrière elle pour la rattraper. Elle lui expliqua que son père avait parfois cette attitude dérangeante, il se mettait en colère pour des broutilles, criait et pouvait devenir violent verbalement. Effectivement, Guy qui les avaient rejointes, se mit à avancer des propos insensés sur une probable relation entre Daphnée et le patron du restaurant , ce qui expliquait qu'elle soit venue là pour son anniversaire, qu'elle n'était qu'une p......., n'y tenant plus et pour ne pas attirer l'attention des passants, elle monta vite dans sa voiture et rentra chez elle en larmes.

Complètement surprise par l'attitude de Guy, elle réfléchit, Guy avait l'air éméché quand il était arrivé au restaurant avec sa fille, ils avaient commandé une bouteille de champagne qu'il avait pratiquement vidé à lui tout seul puisqu'elle n'était qu'à sa première flûte au moment où elle avait quitté la table, l'ébriété pouvait-elle expliquer cette attitude? Ce n'était pourtant pas la première fois qu'ils partageaient un verre! Il avait toujours réussi à rester courtois et sensé, que s'était-il donc passé? Incapable de dormir, elle prit un bain bien chaud, s'enduit le corps d'un voile de lait parfumé, se fit une tisane à la camomille pour se détendre et s'installa dans son lit avec le dernier polar de Camilla. 

 

Les années de veuvage et de solitude avaient apporté à Daphnée une force et une paix intérieures qui lui permettaient de prendre la distance nécessaire pour affronter n'importe quelle adversité, elle savait garder son calme et sa raison, elle cherchait simplement à comprendre les choses pour pouvoir mieux les apréhender et continuer à avancer.

Le dimanche matin, chose une fois de plus surprenante, Guy l'appela et lui demanda pourquoi elle n'était pas rentrée avec eux comme cela était prévu, il s'était réveillé ce matin pensant la trouver dans la chambre d'ami, mais à son étonnement la chambre était vide et le cadeau emballé toujours sur le lit, il lui demandait à elle ce qu'il s'était passé? Saisie devant son téléphone, Daphnée se figea, pas possible de croire ce qu'elle entendait, "mais, lui répondit-elle, tu ne te rappelles pas ce que tu as fait hier soir?" "De quoi parles-tu donc Chérie?" "De quoi? demande à ta fille, excuse-moi, ma mère m'appelle sur l'autre ligne,"" mais... "Elle raccrocha, incroyable mais vrai, il y avait là un véritable souci.  Le soir, elle reçut un autre appel de Guy, il s'excusa, lui répéta qu'il avait eu tort de créer cet esclandre et de l'avoir malmenée ainsi devant tout le monde, mais que ça n'allait pas se reproduire etc etc...

Daphnée sut après tout cela que son ami le sympathique Guy était sujet à des crises de bipolarité, elle l'aimait bien, mais pour sa sauvegarde à elle, vaudrait mieux pour elle de continuer à garder un peu de recul par rapport à cette relation qui aurait pu constituer de prime abord un tremplin tout à fait tentant pour une vie de couple future. Leur relation demeura, mais Daphnée ne s'impliqua plus autant, elle attendait ses coups de fil, y répondait avec enthousiasme, mais elle restait désormais évasive quand Guy évoquait des choses un peu plus intimes, prétextant qu'elle n'était pas encore prête à sauter le pas, elle voulait être sûre d'elle-même avant d'envisager une relation sexuelle avec ou sans lendemain. 

Au mois de  février de l'année qui suivit cette rencontre avec Guy, Daphnée entreprit un voyage en Grèce avec un club de vacances réputé. Elle appréciait la solitude, après cette aventure un peu étrange avec Guy, partir lui fit un grand bien. Ce jour-là, elle était assise dans un des salons cossus de l'hôtel, quand un des marchands ambulants qui trainaient régulièrement par là vint se placer à côté d'elle. Professionnel dans son approche, il ne lui vendit aucun produit pour commencer, il se présenta, vanta la beauté de son pays, lui posa des questions sur la durée de son séjour et des voyages qu'elle avait déjà entrepris. Ce qui l'émut à un moment fut le fait qu'en la regardant il lui dit qu'il sentait une grande tristesse en elle, il sentait une souffrance sourde qui se voyait dans ses yeux et qu'elle trimballait depuis son enfance, interdite, elle frissonna légèrement et pour mettre fin à cette analyse improbable, elle lui demanda ce qu'il vendait, heureux, il se proposa de l'emmener visiter les boutiques de son patron. Trop bizarre cette conversation. Elle fit un tour dans sa chambre, rangea son livre et son téléphone, mit des baskets aux pieds, et se joignit à son guide improvisé. En sortant de l'hôtel, arriva justement ledit patron dans un 4/4 dernier cri, il était accompagné d'un autre monsieur. Le patron descendit de voiture, après un bonjour à la volée, entra dans l'hôtel et en ressortit quelques minutes plus tard, il se proposa de les déposer. Assise derrière avec son guide, les discussions tournèrent autour des sujets d'actualité, la crise au niveau touristique, les incendies qui faisaient rage régulièrement à cause de la chaleur l'été... Une fois, leur chauffeur se retourna pour lui poser une question à propos de ses racines africaines, c'était la première fois que ses yeux se posaient réellement sur Daphnée. Arrivés à destination, il les laissa faire la visite, Daphnée put admirer le savoir-faire des petites mains bourrées de talent qui produisaient des objets artistiques d'une beauté époustouflante, elle eut droit à une tasse de thé vert maison servie avec de délicieuses pâtisseries traditionnelles. Montée à l'étage pour se délecter de toute cette marchandise affriolante, elle redescendit et ne vit plus son guide, à la place, c'est son patron qui l'attendait." J'ai accordé une pause à votre obligé, c'est avec plaisir que je veux bien me substituer à lui, si vous permettez?" Avait-elle le choix? Il la fit monter dans sa belle voiture et, en route pour la découverte de l'île. Au fond d'elle, elle commença à se demander combien allaient lui coûter tous ces égards si habilement concoctés. Mais la vue était belle, le paysage à couper le souffle, elle oublia vite ses interrogations pour profiter de l'instant, il y avait comme de la magie dans l'air, elle aimait la mer, le bruit des vagues, le souffle du vent, le soleil très doux pour la saison venait leur caresser la peau et c'était juste divin. Gagné par cette atmosphère féerique, son compagnon mû par elle ne sait quel démon posa sa main sur sa cuisse pendant qu'il conduisait, main qu'elle repoussa aussitôt en lui demandant si c'était dans ses habitudes d'entrainer les touristes dans des chemins perdus afin de les trousser. Il éclata de rire en s'excusant, il ne comprenait pas lui-même, il avait l'impression qu'ils se connaissaient, se moquant de lui en le traitant de baratineur, ils partirent sur un fou-rire. Elle ne se sentait nullement menacée,  c'est vrai qu'elle se  sentait bien et sa compagnie était plaisante, intelligent, cultivé et prolixe, il lui fit passer un moment agréable, la ramenant à l'hôtel, il promit repasser le soir la chercher pour partager un dîner.

Ils se retrouvèrent à trois, Ambrosio le démarcheur, Hélios son patron et elle. Elle était radieuse, il était beau, elle dans un tailleur noir qui mettait en valeur sa silhouette si féminine, lui dans son costume qui faisait ressortir une élégance naturelle. Ils n'arrêtèrent pas de se regarder de toute la soirée, il avait choisi un petit restaurant pas trop fréquenté au centre-ville où les mets servis étaient un régal pour le palais . Au moment du dessert, Ambrosio s'éclipsa prétextant une course pour sa famille. Ils finirent le repas et Hélios qu'elle appellera plus tard Olivier à cause des hectares d'oliviers qu'il possédait l'entraina à la plage pour une balade au clair de lune. Ne pouvant se retenir, il l'enlaça et lui sussurra des mots doux au creux de l'oreille, elle se mit à trembler comme une feuille et se laissa faire, le parfum d'Hélios, sa beauté, le ton de sa voix, le charme du moment eurent leur effet, elle se lova contre lui et accepta son baiser qui fut long, savoureux et langoureux, ils n'arrivèrent pas à se détacher l'un de l'autre. Elle s'écarta tout de même et prise de peur devant ce laisser-aller dont elle n'avait pas l'habitude, courut vers la voiture, l'ouvrit et s'engouffra à l'intérieur. Sans relever, Hélios la raccompagna à l'hôtel, avant de descendre elle le remercia pour la soirée, Hélios qui avait saisi sa main déposa un baiser au creux de sa paume et lui souhaita une bonne nuit.

Emerveillée et surprise, elle se prépara un bain bien chaud et se mit doucement à révâsser, agréables sensations de douceur et de bien-être. Comme à son habitude elle se frictionna le corps avec un voile de lait parfumé, prit son roman policier et se mit au lit le coeur léger.

En sortant du restaurant de l'hôtel le lendemain matin, après le petit-déjeuner, elle croisa Ambrosio qui la prit à part et lui demanda d'entrée de jeu, ce qu'elle avait fait à son patron, il ne l'avait jamais vu comme ça, elle se mit à sourire et lui demanda de quoi il parlait; "ça fait quinze ans que je connais Hélios, jamais il n'a prêté attention à aucune touriste de cette façon, c'est quelqu'un de très distant et de très froid". Dubitative, elle lui répondit: "pas de baratin avec moi s'il te plaît" " ce n'est pas du baratin, tu apprendras à le découvrir et tu sauras que je te dis la vérité". A ce moment, son téléphone se mit à sonner, avec un sourire en coin, il regarda Daphnée et parla en grec à son interlocuteur. " Si tu n'as rien prévu ce matin, Hélios passe dans une heure te chercher, il veut te faire découvrir Mikonos" .

A partir de ce moment-là, ils ne se quittèrent plus, Hélios venait la récupérer le matin à l'hôtel, ils passaient la journée ensemble, il jouait les guides touristiques tout en vaquant à ses activités d'hommes d'affaires entre les rendez-vous professionnels auxquels il la faisait participer (car chez eux les affaires se traitaient dans les cafés) et l'organisation des plannings de ses employés. Elle réalisa quelle importance il tenait dans sa communauté, il donnait du travail à une centaine de personnes et prenait soin de toutes leurs familles, ils avaient été rendre visite à la femme d'un employé qui venait de subir une opération chirurgicale, elle fut heureuse du gros bouquet de fleurs et des mots rassurants qu'il avait prononcés à son égard. Quand il avait un peu de temps, ils allaient en bateau faire le tour des îles environnantes, respirer l'air iodé et déguster des fruits de mer. Il n'arrivait pas à se séparer d'elle, pour son plaisir grandissant. Elle apprit à l'observer, elle aimait son regard coquin, quand il souriait, ses yeux s'étiraient et c'était trop mignon à voir, il faisait pleins de blagues, chantait faux et à tue-tête, ce qui amusait Daphnée, il passait son temps à la frôler, à lui caresser la main et à lui chuchoter des douceurs, elle avait tous les sens à l'épreuve. Un jour n'y tenant plus elle succomba et entreprit de l'embrasser tendrement puis avec plus de gourmandise, cette étreinte finit dans la cabine luxueuse du bateau, elle s'offrit à lui et savoura la plus belle journée d'amour de sa vie depuis les cinq dernières années, c'était une renaissance.

Le départ approchait, Daphnée qui vivait désormais dans une des villas d'Hélios au lieu de l'hôtel, organisa un repas d'adieu, elle invita toutes les personnes avec qui elle avait sympathisées dans le milieu d'Hélios, elle avait demandé conseil à la femme de service qui lui avait été attribuée et ses hôtes apprécièrent énormément. Restés seuls, Hélios l'étreignit de toutes ses forces, elle sentit sa tristesse, mais il ne dit mot à part, " un chauffeur viendra te chercher demain matin, pense à récupérer tes valises à l'hôtel, ta navette te conduira ensuite à l'aéroport, appelle-moi quand tu seras dans l'avion" Il s'éclipsa ensuite. Le coeur gros, Daphnée se mit à pleurer, un message s'afficha sur son téléphone "Prends soin de toi ma chérie, je t'aime, on se revoit bientôt" .

Avant le décollage, elle lui envoya un message pour l'informer de son départ imminent, elle n'eut aucune réponse. Frustrée, attristée, elle sortit ses lunettes de soleil de son sac à main et les mit sur son nez, des larmes incontrôlées ruisselèrent abondamment. Elle fit semblant de s'absorber dans l'observation du paysage à travers le hublot pour ne pas éveiller la curiosité des autres passagers de son rang.

La joie habituelle de ses retours à la maison avait laissé place à une grande mélancolie, sans défaire ses bagages ni même allumer, elle se dirigea à tâtons vers sa chambre, se jeta sur son lit et laissa libre cours à son chagrin. Elle avait dû s'endormir car la sonnerie du téléphone la sortit de sa léthargie et c'est avec un bonheur sans nom qu'elle reconnut la voix d'Hélios qui appelait pour savoir comment s'était déroulé son voyage. Ils restèrent deux heures au téléphone. Elle put ainsi sortir de son lit, passer sous la douche, manger un morceau et après avoir mis un vinyle à tourner, elle s'absorba comme à son habitude dans la lecture, le cœur comblé.

Le lendemain, Guy l'appela, au même moment Hélios tenta de la joindre. Au moment où elle réussit à lui parler, Hélios manifesta une mauvaise humeur injustifiée. Interrompant la conversation sans l'embrasser, Hélios rappela quelques minutes plus tard, s'excusa en prétextant une crise de jalousie, il voulait pouvoir la joindre à tout moment et savoir ce qu'elle faisait au quotidien, qui elle fréquentait et pourquoi. Daphnée qui ne s'était pas douté de ce côté envahissant d'Hélios, comprit alors pourquoi il n'avait pas pu la lâcher d'une semelle quand elle était sur l'île. " Me voilà bien servie pensa-t-elle, entre un Guy bipolaire et un Hélios hyper jaloux"

Daphnée était une femme indépendante qui ne permettait à personne de la contraindre à quoique ce soit ou à la traumatiser,  pour elle , l'amour ne devait  pas faire mal, l'amour devait apaiser, l'amour devait être confiant, l'amour devait chérir.  Elle appréciait Guy avec qui elle était liée intellectuellement, d'avoir été en Grèce lui avait permis d'y voir plus clair et d'espérer convaincre son ami de la non-réciprocité de ses attentes pour une relation de couple, elle avait tout de même des craintes à cause de sa bipolarité et de l'attitude qui pouvait en découler. Quant à Hélios, elle avait succombé à son aura et en était carrément tombée amoureuse, mais quid de la distance et de ce besoin de contrôle de la part de l'élu de son cœur?

L'amitié de Guy et l'amour d'Hélios à quel prix?

Elle prit son téléphone ce soir-là, et eut une longue conversation avec les deux hommes de sa vie, devinez ce qu'elle leur dit.

Rédigé par D

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